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Si l'économie et la biologie se rencontrent souvent dans des programmes pluridisciplinaires de recherche sur l'environnement, un certain nombre de parallèles peuvent aussi être faits dans les objectifs et les questions de ces deux disciplines. L'économie et la biologie s'intéressent aux phénomènes d'évolution, de développement et de croissance. Les titres de bon nombre d'ouvrages de biologie pourraient aussi être ceux d'ouvrages d'économie. En dehors de la proximité du vocabulaire, on peut s'interroger sur des questions communes à ces deux disciplines, examiner l'état des réflexions et des solutions, des démarches, méthodes et modèles utilisés tout en gardant en tête la particularité des objets de recherche et de leurs contextes théoriques.

Au sein du projet co-viabilité, plusieurs expériences pluridisciplinaires ont eu lieu:

    1. Le pourquoi et le comment d'un "melting-pot " pluridisciplinaire qui marche.
    2. Une pluridisciplinarité difficile: l'apport des notions a-disciplinaires
    3. La pluridisciplinarité comme nouvelle méthode d'investigation

Le pourquoi et le comment d'un "melting-pot " pluridisciplinaire qui marche

Un des objectifs du séminaire "développement viable", qui se tient chaque semaine à Paris, est de faire se rencontrer et discuter diverses disciplines intéressées par les questions d'environnement, de développement, ayant des objets d'étude très réels mais souvent très complexes, pour identifier des méthodes, des concepts, des réflexions qui pourraient être convergents, cela, en regard d'une mathématique motivée par ces questions. Cette nouvelle mathématique, baptisée par Jean-Pierre Aubin, son créateur, "théorie de la viabilité", est productrice de métaphores séduisantes, de modèles d'entendement et de sélection intéressants. Elle parait extrêmement utile par sa capacité à formuler (ou reformuler) des questions et à chercher leurs réponses.

La table ronde de Mèze avait le même objectif. En décentralisant à Mèze le noyau dur du séminaire parisien, elle permit de satisfaire la curiosité de nombreux provinciaux intéressés. La communauté de séjour permit aussi d'établir des liens plus forts et des discussions plus approfondies qu'au séminaire parisien dont le rythme hebdomadaire et l'originalité tend à dissiper quelque peu une assistance pluridisciplinaire. Tous les participants étaient intéressés par la "viabilité" mais tous n'avaient pas la même interprétation ou les idées très claires sur ce concept.

Si les chercheurs présents relevaient de différentes disciplines, ils ont aussi, à l'intérieur de leur propre discipline, des objectifs, des sujets, des méthodes et des positions différentes. Certains ont des objectifs théoriques, d'autres des objectifs plus empiriques, certains se cantonnent à l'interprétation des faits observés et d'autres au développement ou à l'utilisation d'instruments de mesure dans le but de confronter les faits et la théorie. Cet écart entre des activités de recherche théorique et empirique est particulièrement grand en économie. C'est aussi vrai pour ce qui touche à l'environnement car ce champ de recherche peut être considéré comme finalisé dans le sens où il est en général destiné à l'action et doit avoir un certain degré d'opérationalité. Les objectifs et les méthodes évidemment diffèrent et c'est tout le problème du lien entre recherche théorique et recherche empirique qui peut donner lieu à de vastes débats épistémologiques. En économie ce lien passe par la mesure de l'économétrie avec des fortunes très diverses et d'éternelles critiques sur la valeur des "preuves". Dans d'autres disciplines, cela peut passer par l'expérimentation ou encore par la seule interprétation des faits observés qui peut servir à bâtir une " théorie " dans des disciplines où celle-ci est plus humble qu'en économie (histoire, sociologie) et c'est alors la rigueur de la méthode et du cadre d'analyse qui fonde ces disciplines.

En réunissant durant trois jours un auditoire très divers, cette table ronde permit de réfléchir et de discuter ensemble sur un point commun à tous : la question de la formalisation et du lien entre théorie et recherche ou observation empirique.

Marie Hélène Durandhaut de la page


Une pluridisciplinarité difficile: l'apport des notions a-disciplinaires.

L'article "co-viabilité des systèmes halieutiques" soumis à NSS se voulait un travail pluridisciplinaire de synthèse. Il nous a tout d'abord semblé nécessaire de ne pas traiter de la viabilité sous l'angle de l'écologue, de l'économiste, du modélisateur, avec le risque d'aboutir à une juxtadisciplinarité qui s'avère non productrice d'information nouvelle: elle regrouperait les inconvénients de la pluridisciplinarité (approche disciplinaire simplifiée) sans ses avantages (production de connaissances d'un autre ordre). Tout le problème visait donc à définir le point commun entre ces approches ou, autrement dit, de quoi parlent chaque discipline en des termes différents ? Nous nous sommes donc focalisés sur des concepts partagés par les différentes disciplines en présence (économie et écologie essentiellement, dans la mesure où les sciences de la représentation n'ont pas statut de discipline).

Il est apparu à la compilation des contributions de chacun sur les thèmes dits transversaux, que chaque discipline, tout en reconnaissant le bien fondé d'une approche pluridisciplinaire (au sens de la prise en compte à la fois des aspects économiques et écologiques), n'aspirait (involontairement sans doute) qu'à faire reconnaitre son point de vue comme le "bon", concédant un rattachement des autres disciplines à sa vision et ce, même et surtout sur les thèmes partagés (temps, échelles, global-local, halieutique, etc.).

En ce sens les concepts transversaux (ou nomades selon Stengers), qui sont appropriés par toutes les disciplines ne paraissent pas propices à cristalliser une pluridisciplinarité. Il semble à titre d'alternative que la pluridisciplinarité ne peut rassembler les points de vue que si elle porte sur un thème a-disciplinaire, c'est à dire, qui n'est pas déjà approprié par les disciplines concernées.

Un exemple récent peut illustrer ce point: un projet en cours de réalisation sur des ressources halieutiques partagées entre deux pays voisins en Afrique a été construit en visant l'élaboration d'une équipe pluridisciplinaire (pour des raisons de cohérence de la démarche). Des discussions animées entre les participants biologistes et économistes, un consensus sur la problématique a pu être trouvé à travers la notion de "partage". Cette notion est typiquement a-disciplinaire et autour d'elle, chaque discipline part "à égalité".

La co-viabilité aurait du constituer la notion a-disciplinaire propice à l'établissement d'un point de vue partagé. La réflexion autour de la notion n'a cependant pas été suffisemment forte et partagée pour que les disciplines puissent changer leur point de vue. Son statut de notion a-disciplinaire et sa capacité à cristalliser un réflexion pluridisciplinaire semble sur ce point pouvoir être remis en cause.

Jean Le Furhaut de la page


La pluridisciplinarité comme nouvelle méthode d'investigation

Lors d'un exposé à l'Orstom de Montpellier en 1998, Yvan Breton, anthropologue de l'université Laval au Québec, faisait la promotion d'une approche interdisciplinaire dans laquelle les concepts pourraient être utilement empruntés d'une discipline à l'autre: en étudiant par exemple des thèmes tels que la biomasse sociale, l'upwelling économique, l'interaction proie-prédateur comme un marché de gré à gré, etc. on aboutirait certainement à un éclairage nouveau des problèmes à aborder, des modes d'investigation permettant d'aborder un vaste corpus inexploré de connaissances et les modalités d'un autre dialogue entre disciplines.

Jean Le Furhaut de la page


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