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Résumé/Note : © 1997, Encyclopædia Universalis France S.A., Tous droits de propriété intellectuelle et industrielle réservés.



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Introduction

L’aide économique a fait partie, de tout temps, des relations entre pays. Elle a pris une intensité et une ampleur nouvelles après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’inégalité des niveaux de développement entre les pays est apparue comme pouvant compromettre la paix et après que l’accès à l’indépendance eut donné une existence politique à des pays dont la situation économique était extrêmement précaire. Après la chute du Mur de Berlin, la disparition de la rivalité Est-Ouest a enlevé à l’aide économique un de ses fondements politiques, mais les besoins des nouveaux pays indépendants et la crainte que la déliquescence de l’État dans certains pays n’entraîne des troubles contagieux lui ont donné de nouvelles orientations, en même temps que le "triomphe" de l’économie de marché en transformait le contenu. Ainsi l’aide est-elle censée servir à la fois les intérêts des pays qui la reçoivent, en contribuant à leur développement, et les intérêts commerciaux, politiques et militaires des pays qui l’attribuent, c’est-à-dire pour l’essentiel les pays industrialisés. Aussi s’attachera-t-on à l’analyse de l’objet de l’aide avant de proposer une description détaillée de ses modalités, de ses acteurs et de son évolution. haut de la page

Objet de l’aide haut de la page

Contribuer au développement économique du Tiers Monde, tel est l’objet premier de l’aide. Il apparaît d’emblée, à partir de cette seule affirmation, que l’aide devra présenter de multiples modalités de nature fort différente pour répondre aux besoins de pays qui se trouvent dans des situations très diverses, et, plus fondamentalement, qu’elle devrait dépendre de l’analyse que l’on fait des causes du sous-développement.

Pour certains, le sous-développement s’analyse comme un retard sur un chemin obligé (Rostow). L’aide doit alors viser à réduire ce retard en permettant une croissance rapide. Il s’agit de lever les obstacles, ou goulets d’étranglement, qui s’y opposent. Faute d’épargne suffisante, le pays ne peut investir: l’aide prendra donc la forme d’apport de capitaux. La recherche est-elle insuffisante? les technologies élaborées dans les pays industrialisés seront mises à la disposition du Tiers Monde. Un pays manque-t-il de techniciens nécessaires pour former les jeunes, pour moderniser l’agriculture, faire tourner les usines ou gérer l’État? l’aide consistera en l’envoi de techniciens compétents. Si l’aide est efficace, le pays pourra, au bout d’un certain temps, se passer des apports extérieurs gratuits ou fournis à des conditions de faveur; il produira alors lui-même ses équipements et formera ses techniciens ou bien il acquerra, aux prix du marché, les biens et les techniques dont il a besoin. On dit d’une économie qui est capable d’entretenir par elle-même son développement qu’elle a "décollé". L’aide devient alors sans objet: sa réussite est de devenir inutile.

Mais d’autres auteurs considèrent que le sous-développement est le produit du fonctionnement du système économique mondial: les plus riches tirent leur richesse de l’appauvrissement des plus pauvres, et, par conséquent, sans remise en cause du système lui-même, il n’est pas de possibilité de développement. Sous cette forme simplifiée, l’analyse est trop radicale et se trouve largement contredite par les faits: en termes réels, le revenu par tête a augmenté depuis les années soixante dans l’ensemble des pays du monde; l’écart, en termes relatifs, s’est légèrement réduit entre pays industrialisés et pays en développement, même si l’écart absolu continue de s’aggraver; enfin certains pays, comptant parmi les plus pauvres il y a trente ans, sont aujourd’hui considérés comme des "nouveaux pays industrialisés". Cependant, l’idée que le système économique mondial est en partie responsable du sous-développement contient une part de vérité qui a été reconnue dans les résolutions des Nations unies et dans la pratique au cours des années soixante-dix. La résolution des Nations unies sur le nouvel ordre économique international (Assemblée générale de 1974) en fut la manifestation la plus spectaculaire; l’instauration du système de préférences, généralisé par les pays européens en 1971 puis par les États-Unis en 1976 – système qui abolit les droits de douane sur les produits manufacturés dans le Tiers Monde à l’entrée dans les pays industrialisés et qui, en ne demandant pas la réciprocité pour les exportations de ces pays à l’entrée dans les pays en développement, déroge à une règle fondamentale du G.A.T.T. (General Agreement on Tariffs and Trade) –, en fut la manifestation la plus concrète. Dans les années quatre-vingt se sont émoussées et la notion de solidarité vis-à-vis du Tiers Monde et la crainte née du temporaire pouvoir de l’O.P.E.P.: l’accent a été mis sur la responsabilité de chaque pays dans la réussite ou non de son développement. L’importance de la bonne gestion des affaires publiques, sujet tabou dans les années 1960 et 1970, prend progressivement une place importante dans les recommandations que font les donneurs et dans les conditions qu’ils mettent à l’octroi d’une aide. La mise en place de mécanismes de contrôle de gestion, la décentralisation des décisions, la démocratisation et la responsabilité des détenteurs de pouvoir devant leurs mandants sont encouragées en même temps que se multiplient les réflexions sur le rôle de l’État. Dans les années 1960, il était jugé normal que l’État intervienne directement dans la production en utilisant les instruments en sa possession (subventions, prêts bonifiés, exemptions fiscales...) de façon sélective selon les secteurs ou les entreprises, ou qu’il soit lui-même producteur. L’excès d’interventions et des abus ont amené une phase de dérégulation et la recherche de "moins d’État". Aujourd’hui, il lui est reconnu le rôle de créer un environnement favorable à l’activité des entreprises en mettant en place des institutions compatibles avec les règles du marché, en édictant et en faisant respecter des règles transparentes et stables, en assurant éducation, formation continue et système de santé. Après que le "trop d’État" a été un frein à des initiatives décentralisées ou privées, ce sont actuellement les processus de déliquescence de l’État qui menacent la paix sociale et l’activité économique, l’État devant fondamentalement être le garant des libertés. Cependant, l’aide demeure et, lorsqu’on parle d’aide économique, on se place toujours dans la première optique qui consiste à transférer vers les pays en développement certaines ressources qui leur font défaut et non dans celle qui consisterait à modifier des règles du jeu international qui seraient jugées mauvaises.

Quels avantages les pays fournisseurs d’aide attendent-ils en retour de l’effort financier et humain qu’ils consentent? Les débats sur ce thème furent nombreux aux États-Unis comme dans les pays européens, dans la mesure où les gouvernements ont périodiquement ressenti la nécessité de justifier, vis-à-vis des contribuables, leur politique d’aide. Avant de mettre en avant certaines de ces justifications, il convient de dire que des raisons purement éthiques sont à l’origine d’une partie de l’aide: les aides d’urgence en vivres, vêtements et médicaments dans le cas d’une catastrophe naturelle ou d’une guerre en sont un exemple. Plus généralement, la conscience d’être solidaires, aujourd’hui et face à l’avenir, le refus de certaines inégalités ou de certaines misères font partie des raisons objectives de l’aide. Cela dit, historiquement, l’aide économique au développement a pris son essor à l’Est comme à l’Ouest dans le cadre de la compétition Est-Ouest. Le président Truman, craignant que les peuples pauvres ne soient prêts à rompre la paix du monde et ne soient sensibles à la propagande soviétique, décida le premier programme d’aide américain et en fit l’annonce.

En retour, l’U.R.S.S., qui refusait toute responsabilité dans la situation de sous-développement d’une partie de la planète, puisqu’elle en voyait la cause dans le fonctionnement du système capitaliste lui-même, se vit obligée de dépasser le soutien politique aux mouvements d’indépendance et de montrer, à travers certains projets de coopération, son efficacité et sa solidarité avec les jeunes États. Certains pays surent tirer parti de cette compétition: des aciéries indiennes et le barrage d’Assouan en sont des exemples parmi les plus caractéristiques. Pendant la période où les votes à l’O.N.U. ne rassemblaient pas des majorités automatiques et où l’on n’avait pas encore inventé l’adoption des résolutions par consensus, l’aide était censée inciter les bénéficiaires à voter avec les donneurs, ou à tout le moins à ne pas les condamner. Il est certain que la France, pendant la guerre d’Algérie, a bénéficié de tels votes de la part de ses anciennes colonies. Ce processus a cessé de jouer, chacun ayant pris son parti de la critique à New York et de la négociation à Washington, ainsi que de l’affaiblissement de l’O.N.U. dans le secteur économique au profit de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. La crainte que le sous-développement économique soit cause de tensions internes qui puissent entraîner des gouvernements en quête de légitimité dans des conflits avec leur voisin est un des motifs qui se trouve à l’origine de l’aide. Il est vrai que depuis la Seconde Guerre mondiale, quelque deux cents conflits entre nations se sont presque exclusivement déroulés dans le Tiers Monde et n’ont mis aux prises directement que des pays en développement, sauf quelques exceptions comme la guerre de Corée ou des Malouines. Mais bon nombre de ces conflits étaient le produit de la rivalité Est-Ouest et la répartition géographique de l’aide montre d’ailleurs toujours que les considérations stratégiques n’en sont pas absentes. Ainsi Israël et l’Égypte sont-ils les principaux bénéficiaires de l’aide américaine, comme avant eux le Sud-Vietnam et l’Inde. L’U.R.S.S., de son côté, a apporté une aide massive au Vietnam, à l’Afghanistan, à la Syrie et à Cuba, également pour des raisons stratégiques. Dans de nombreux cas, l’aide économique dont il est ici question se double d’une aide militaire dont la mesure est délicate.

L’aide des autres pays n’a pas été non plus dépourvue de considérations géopolitiques, mais elle a surtout été déterminée par l’histoire coloniale. Il est clair que la France et le Royaume-Uni ont fait porter l’essentiel de leurs efforts vers les pays de leur ancien empire colonial. Les Pays-Bas ont gardé des liens privilégiés avec l’Indonésie comme la Belgique est restée longtemps très présente au Zaïre, au Rwanda et au Burundi. Les liens historiques nés de la colonisation font que les partenaires se connaissent. Ces liens, renforcés par les intérêts économiques et éventuellement par une langue commune, sont très puissants et, dans le cas de la France, se sont imposés à tous les gouvernements, même lorsque la volonté d’élargir le champ traditionnel est apparue.

Au-delà des objectifs stratégiques et des liens historiques, l’aide sert les intérêts économiques des pays fournisseurs. Plus précisément, ce sont des intérêts commerciaux que l’aide est aussi censée servir. La pratique la plus courante est d’obliger le pays qui bénéficie d’une aide à l’utiliser pour acheter du matériel produit par le pays donneur. Cette "aide liée" a nourri d’interminables débats. À l’encontre d’une telle démarche, on peut invoquer le fait qu’elle limite le choix, qu’elle entraîne des surcoûts dans la mesure où la concurrence est restreinte et, surtout, qu’elle conduit à des aides ne correspondant pas aux besoins prioritaires des bénéficiaires mais plutôt au désir du donneur de soutenir ses propres entreprises. En sens inverse, on avance l’argument, difficilement vérifiable, que c’est le seul moyen de faire accepter le poids de l’aide et que, si celle-ci n’était pas liée, son volume, déjà modeste, diminuerait. Les efforts en faveur du déliement de l’aide ont donné peu de résultats puisque l’aide était, à la fin des années 1980, déliée pour les deux tiers environ contre 45 p. 100 en 1975. La situation demeurait cependant fort différente entre les pays nordiques, où l’aide était presque totalement déliée, et le Japon, où elle ne l’était qu’à 36 p. 100. Enfin, il faut noter que depuis les drames de Somalie, de Yougoslavie, du Rwanda, du Zaïre, c’est à prévenir les conflits ou à construire la paix qu’une partie de l’aide est employée. Les États de l’ex-Yougoslavie comptent ainsi parmi les principaux bénéficiaires de l’aide européenne. haut de la page

Transferts et aide haut de la page

Le Comité d’aide au développement de l’O.C.D.E. (C.A.D.) a grandement contribué à clarifier le concept de l’aide et à en permettre la mesure. Le C.A.D. est, au sein de l’O.C.D.E., un club comprenant vingt-et-un pays membres de l’organisation et la Commission des communautés européennes. Ils se rassemblent afin d’échanger des informations sur le développement, sur les politiques d’aides les plus appropriées et sur leur évolution. Chaque pays est examiné périodiquement par ses pairs, et il apparaît à l’expérience que cet examen est une incitation pressante à améliorer et maintenir l’aide de chaque pays. Chaque année, dans un rapport appelé "Coopération pour le développement", le président du C.A.D. tire la leçon des événements et des observations faites, et met en évidence les points sur lesquels devraient porter les efforts d’amélioration; une annexe statistique très détaillée permet de mesurer l’évolution de l’aide en volume et en structure. On verra, dans la distinction qu’effectue le C.A.D. au sein des "Apports financiers aux pays en développement" entre l’aide publique au développement et les diverses autres formes de transferts, que celui-ci est plus guidé par la notion de gratuité de l’aide que par celle de son efficacité.

L’aide économique est mise en œuvre par les États et les organes multilatéraux. On parle alors d’aide publique au développement (A.P.D.). Les organisations non gouvernementales (O.N.G.) fournissent également une aide. Dans le cas des banques ou des entreprises, on parle de flux privés aux conditions du marché. Pour le C.A.D. ne sont considérés comme "aide publique au développement" que "les dons ou prêts accordés par le secteur public, dans le but essentiel d’améliorer le développement économique et le niveau de vie, assortis dans le cas des prêts d’au moins 25 p. 100 d’éléments de libéralité". L’élément de libéralité caractérise l’écart entre un prêt obtenu aux conditions du marché et le prêt effectivement accordé. Lorsque le taux d’intérêt est inférieur au taux du marché, s’il existe un différé de remboursement et une durée de remboursement plus longue que normalement, on peut considérer que ces avantages correspondent à un don: on parle d’"équivalent don" du prêt, et ce montant figure dans l’"aide". "Outre les apports financiers, l’aide couvre la coopération technique. Celle-ci comprend les dons qui sont soit consentis à des ressortissants des pays en développement qui suivent un enseignement ou reçoivent une formation à l’étranger, soit destinés à financer le coût des enseignants, administrateurs, conseillers en poste dans des pays en développement."

En 1995, l’aide publique au développement (A.P.D.) représentait 24,7 p. 100 du total des apports financiers nets aux pays en développement par les pays membres du C.A.D., contre 51,2 p. 100 en 1987 (tabl. 1). Les apports publics non concessionnels comptaient pour 3,6 p. 100 du total et les crédits à l’exportation pour 4.3 p. 100. Les apports privés, soit 67,4 p. 100 du total, incluent des investissements directs (23,7 p. 100), des prêts bancaires (29,6 p. 100), des investissements de portefeuille (7,6 p. 100) et des dons des organisations non gouvernementales (2,4 p. 100). Les apports privés, autres que ceux des O.N.G., fluctuent considérablement en fonction de la confiance qu’ont les investisseurs dans la stabilité des pays receveurs, de leurs perspectives économiques et de l’évolution des équilibres macro-économiques. La crise de la dette au début des années 1980 a entraîné un effondrement des prêts bancaires et si aujourd’hui les investissements directs et les prêts s’accroissent rapidement, ils se concentrent, notamment pour les premiers, dans un nombre limité de pays. Il serait donc souhaitable que l’aide publique aille aux pays qui n’attirent pas les capitaux privés, mais ce n’est que partiellement le cas. En 1995, seulement 52 p. 100 de l’aide des pays du C.A.D. allait aux pays les moins avancés et aux pays à bas revenus (revenu par habitant inférieur à 675 dollars en 1992).

La distinction entre aide publique au développement et les autres apports n’est pas sans importance dans le débat international. Lors de la deuxième réunion de la C.N.U.C.E.D. (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement), les pays industrialisés ont accepté comme objectif que l’aide publique au développement atteigne 0,7 p. 100 de leur P.N.B. Cet engagement remonte à 1965, et il n’était atteint en 1995 que par un nombre restreint de pays: le Danemark, les Pays-Bas, la Norvègeet la Suède. En 1981, un objectif annexe fut adopté à la Conférence de Paris sur les pays les moins avancés, fixant à 0,15 p. 100 du P.N.B. des pays industrialisés l’aide qui devrait leur être accordée. En 1990, le principe d’un effort particulier pour les pays les moins avancés (P.M.A.) a été confirmé, mais l’engagement de leur consacrer 15 p. 100 de l’aide n’a été accepté que par une partie des donneurs. Se trouvait ainsi marquée la reconnaissance de deux faits: l’extrême diversité des situations des pays en développement, qui ne permet plus à leur égard une politique homogène, la situation dramatique des pays les moins avancés, qui s’est détériorée à partir de la fin des années 1970 avec l’apparition de famines chroniques.

En décidant un effort particulier en faveur des plus démunis, la communauté internationale répondait à un besoin. Mais, dès 1982, un autre besoin, tout aussi urgent, apparaissait, celui d’apporter des capitaux aux pays les plus endettés, d’Amérique latine notamment, pour que leur développement à terme ne soit pas gravement compromis par les politiques d’ajustement auxquelles les contraignaient la situation internationale et certaines erreurs commises dans leurs stratégies d’investissements. L’aide publique ne pouvait suffire. Les financiers privés, après avoir prêté, souvent en se contentant de la garantie des États, sont devenus extrêmement prudents et ne sont plus disposés à prêter à des pays connaissant de graves déséquilibres macro-économiques. Ce fut le rôle du Club de Paris et du Club de Londres d’organiser pour chaque pays les aménagements (annulations ou rééchelonnement) de la dette auprès des créanciers publics pour le premier et des créanciers privés pour le second. Les remises ou aménagements de dette consentis par les États sont inclus dans leur aide publique pour environ 3 milliards de dollars par an depuis le début des années 1990. Le F.M.I., pour sa part, a négocié avec chaque pays les mesures propres à restaurer les équilibres et à redonner confiance aux banques et organismes de crédit. Les politiques d’ajustement ont été très dures pour les pays concernés et l’Amérique latine considère les années 1980 comme une "décennie perdue pour le développement". Mais les pays latino-américains ont de nouveau accès aux marchés des capitaux. L’Afrique souffre encore de son endettement. haut de la page

Les acteurs haut de la page

La coopération d’État à État, appelée coopération bilatérale, est de loin la plus importante. L’organisation administrative chargée de la gestion et de l’exécution de l’aide varie sensiblement d’un pays à l’autre sans que l’on puisse assurer que l’une est plus efficace que l’autre. En France se superposent un découpage géographique – pays d’Afrique subsaharienne francophone et lusophone (ministère de la Coopération et du Développement), autres pays en développement (ministère des Affaires étrangères, départements et territoires d’outre-mer (ministère des D.O.M.-T.O.M.) – et un découpage fonctionnel, les services de la coopération gérant la coopération technique et le fonds d’aide et de coopération, tandis que la Direction du Trésor gère un certain nombre de prêts et que la Caisse centrale de coopération économique étudie et met en œuvre des projets financés sur prêts bonifiés ou non. L’aide bilatérale a souvent été critiquée comme moins désintéressée que l’aide multilatérale et comme mêlant inévitablement les intérêts du pays donneur à ceux du pays receveur. On souligne que c’est elle qui a le plus souvent financé des projets politiques éloignés des besoins prioritaires du développement ou qui est à l’origine de projets somptuaires. Il est sans doute vrai que l’aide bilatérale a à son passif plus de ponts sans route d’accès, d’hôpitaux sans médecins ou sans médicaments, de centres de formation technique sans professeurs que l’aide multilatérale, mais elle a pour elle la rapidité, la souplesse et aussi la capacité de mettre en œuvre de petites opérations qui sont autant de graines pour le changement.

Les organisations multilatérales tirent leurs ressources des versements des États et, pour certaines, des emprunts qu’elles émettent sur les marchés financiers. Leur action est guidée par les votes des États membres et les faiblesses dont on les accuse ne sont bien souvent que le reflet des désaccords entre ces États et de leur incapacité à faire des choix. L’Organisation des Nations unies a été mise en place après la guerre avec pour mission de maintenir la paix. Son échec, dès le conflit coréen, a montré les limites de son efficacité lorsque les intérêts des deux grandes puissances étaient en jeu. L’irrésistible mouvement vers les indépendances lui a donné une nouvelle vocation: faciliter l’accession des peuples à l’indépendance et soutenir le développement des jeunes nations encore sous-développées. Selon la philosophie de l’époque, œuvrer pour le développement était en même temps œuvrer pour la paix. L’Assemblée générale des Nations unies a proclamé en 1961 que les années soixante seraient la décennie du développement; en 1965, on a jugé sage de rebaptiser ces années la première décennie du développement; cette programmation décennale n’a jamais cessé depuis lors. Comme beaucoup au début des années 1960, les Nations unies s’étaient trompées sur l’importance du facteur temps dans le développement. L’aide, qui ne devait être qu’un effort vigoureux et de durée limitée comme le fut le plan Marshall pour l’Europe, restera longtemps un complément nécessaire aux efforts nationaux.

Les Nations unies regroupent un ensemble d’entités relevant de l’Assemblée générale qui adopte leur budget, de fonds qui ont chacun leur organe de direction et d’agences spécialisées qui ont des budgets et des organes de direction autonomes. Parmi les entités, il convient de mentionner la C.N.U.C.E.D. pour le commerce, le Haut-Commissariat pour les droits de l’homme, le Haut-Commissariat pour les réfugiés, les commissions régionales. Parmi les fonds, il faut mentionner le Programme des Nations unies pour le développement (P.N.U.D.), qui finance des activités de développement qu’il met en œuvre directement ou par l’intermédiaire des entités ou agences spécialisées, l’U.N.I.C.E.F. pour l’enfance, le F.N.U.A.P. pour la population. Parmi les agences spécialisées, on retiendra l’U.N.E.S.C.O. pour l’éducation, l’O.M.S. pour la santé, l’O.I.T. pour les relations État-entreprises-syndicats et le droit du travail, l’O.M.M. pour la météorologie, l’U.I.T. pour les télécommunications, la F.A.O. pour l’agriculture et l’O.N.U.D.I. pour l’industrie. Chacune de ces agences ou entités fait des études, définit des principes, des normes et des politiques dans son domaine de compétence. Elles fournissent une assistance technique aux États pour l’élaboration de projets qui seront financés par le P.N.U.D. (Programme des Nations unies pour le développement) et par des États qui acceptent qu’une part de leur aide transite par des organisations multilatérales. Les autres institutions dans la mouvance des Nations unies comprennent également la B.I.R.D. (Banque internationale pour la reconstruction et le développement), appelée Banque mondiale, et le F.M.I. (Fonds monétaire international). La Banque mondiale finance des projets ou des programmes de développement soit directement, soit par l’intermédiaire de ses filiales, la S.F.I. (Société financière internationale), qui s’attache aux projets industriels, ou l’A.I.D. (Agence internationale pour le développement), qui accorde des prêts à très bas taux d’intérêt avec un long différé de remboursement. La Banque mondiale s’est acquis une grande réputation pour le sérieux avec lequel elle étudie les projets, pour sa connaissance de la situation des pays et pour la somme des informations qu’elle accumule sur le développement. Il lui est cependant reproché de prêter plus d’attention à sa propre conception de ce qui est bon pour un pays qu’aux objectifs du gouvernement de ce pays, de se référer trop exclusivement aux indications du marché et de n’accepter que très difficilement de faire intervenir des considérations de long terme ou des considérations sociales dans la décision de réaliser un projet. Derrière ces critiques se trouve le fait qu’à la Banque mondiale les droits de vote sont proportionnels aux parts de capital détenues par les pays membres, ce qui assure la majorité aux pays de l’O.C.D.E. et un grand poids aux États-Unis. Depuis 1979, la Banque mondiale publie annuellement un "Rapport sur le développement dans le monde" qui rassemble de précieuses statistiques comparatives sur l’économie des pays et qui analyse tour à tour les grands problèmes du développement.

Le Fonds monétaire international n’est pas un organisme de développement. Il a été chargé à l’origine d’assurer la régulation du système monétaire international, accordant des prêts aux pays dont la balance des paiements était en déficit et, au-delà d’un certain seuil, imposant au pays emprunteur des politiques de redressement. Mais, depuis l’abandon du système de Bretton Woods et la hausse du prix du pétrole, le F.M.I. est intervenu à de nombreuses reprises pour aider les pays à surmonter les déséquilibres dans leur balance des paiements. Il a ainsi créé des facilités pétrolières, des facilités alimentaires, et des aides à la balance des paiements. Une aide est ainsi accordée lorsqu’un pays peut apporter la preuve que ses difficultés en matière de balance des paiements sont dues à la baisse des prix des matières premières qu’il exporte. À partir de 1973, les banques privées avaient accordé des paiements sans que le F.M.I. exerçât de contrôle; il en est résulté un endettement considérable, devenu insupportable pour certains pays en raison de la hausse des taux d’intérêt qui en augmentait le coût et du ralentissement de l’activité économique mondiale qui limitait les possibilités d’exportations. Le F.M.I. subordonne l’octroi de ses prêts à des mesures d’assainissement des économies endettées telles que la réduction des dépenses publiques, la vérité des prix, le freinage ou la réduction des salaires, le resserrement du crédit, de manière à réduire les importations et à ralentir l’inflation. Ces mesures améliorent la balance commerciale, mais souvent au prix d’une grave récession.

Prenant de plus en plus conscience des difficultés d’ajustement et des délais nécessaires, le F.M.I. a quelque peu infléchi ses habitudes, accordant des prêts à relativement long terme, alors qu’auparavant ils étaient à court terme, et en développant des programmes d’ajustement structurels en relation avec la Banque mondiale. Cela dit, la médecine du Fonds reste sévère, et les pays sont d’autant plus obligés de s’y soumettre que l’intervention du F.M.I. est une garantie que les banques exigent pour consentir de nouveaux prêts.

Ainsi, la frontière entre la gestion du système monétaire et financier et l’aide économique au développement est aujourd’hui moins nette qu’elle ne le fut.

Aux côtés des organisations multilatérales ayant vocation à accueillir tous les pays – même si certains ne se sont pas encore décidés à être membres de tous les organismes de la famille des Nations unies –, il existe des organisations à caractère régional. Construites sur le modèle de la Banque mondiale, des banques régionales de développement fonctionnent en Amérique latine (Banque interaméricaine pour le développement), en Asie (Banque asiatique de développement) et en Afrique (Banque africaine de développement).

De son côté, la Communauté économique européenne mène à son niveau, parallèlement à chacun des États membres, une politique de coopération au développement. Une de ses particularités vient de ce qu’elle revêt différentes modalités selon les pays auxquels elle est destinée: pays associés d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays A.C.P.), pays du Maghreb et du Machrek, pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (A.N.S.E.A.), accords individuels avec l’Inde et certains pays de l’Amérique latine... Mais son originalité tient au type d’accord qu’elle a passé avec les pays A.C.P. D’une part, ces accords sont négociés entre deux ensembles, la Communauté et les A.C.P., ce qui réduit les pressions que peut exercer un État puissant sur un pays faible et oblige, au sein de chaque ensemble, à harmoniser des intérêts contradictoires. D’autre part, ils englobent divers aspects des relations économiques Nord-Sud. L’aide financière y trouve sa place, associée à un accord commercial, à un système de garantie de ressources pour des exportations de produits primaires agricoles, le Stabex, et à un système de garantie du potentiel minier, le Sysmin. Les conventions de Lomé, qui placent l’aide dans un ensemble intégré, sont dans leur principe exemplaires. Les difficultés qu’elles connaissent tiennent d’abord à l’insuffisance des ressources mises en jeu dans le Stabex et aux exceptions faites aux accords commerciaux. Au cours de leurs renégociations successives, des débats de principe se développèrent: en 1979, les pays de la C.E.E. voulaient inclure une clause concernant les droits de l’homme que les pays A.C.P. ont tout d’abord refusée; en 1984, la C.E.E. eut le souci que son aide serve effectivement au développement et chercha une procédure de négociation politique avec chaque État pour la définition des projets, etc.

Les organisations non gouvernementales (O.N.G.) collectent des fonds qui sont comptabilisés dans les statistiques du C.A.D. sous la rubrique "dons des organismes privés" et reçoivent des États des subventions pour exécuter des projets que les organismes officiels ne pourraient réaliser de façon satisfaisante. Les O.N.G. excellent dans des projets dits "au ras du sol": animation villageoise, constructions de puits, mise en place de systèmes de santé rurale, petits travaux d’irrigation, amélioration de l’habitat, etc. Les O.N.G. contribuent également de plus en plus au développement de petites entreprises et se signalent dans l’attribution de microcrédits en aidant les plus défavorisés à avoir accès aux moyens de production (terre, équipement, crédit, technologies). En outre, elles peuvent avoir des contacts avec des organisations non gouvernementales des pays partenaires: communes, associations, syndicats, ce que les gouvernements ne peuvent faire, limités qu’ils sont aux relations d’État à État. Les O.N.G. mettent ainsi en œuvre une part substantielle de l’aide publique en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède. Certaines des plus importantes sont liées aux Églises comme Adveniat ou Misereor en Allemagne, le C.C.F.D. (Comité catholique contre la faim et pour le développement) en France, l’Oxfam au Royaume-Uni. À côté de leur action sur le terrain, les O.N.G. sont de précieux animateurs de l’opinion publique, qu’elles contribuent à sensibiliser aux divers aspects du développement et à la situation des populations les plus démunies dans le monde. Par des campagnes, des conférences, des semaines d’action, elles arrivent à toucher les milieux les plus divers. Leur efficacité vient ici de leur diversité; chacune a son langage, ses modes d’action, son public; mais cette diversité est au service d’une même cause, le développement. Cela ne va pas, bien sûr, sans contradictions ni conflits, mais, depuis plusieurs années, les O.N.G. se sont organisées sur le plan national et sur le plan international pour accroître leur impact. On a pu remarquer leur rôle lors des grandes conférences sur l’environnement, la population, les femmes, la pauvreté et l’habitat qui se sont succédé dans les années 1990. Elles ont fait des propositions parfois reprises par les gouvernements et constituent un groupe de pression pour assurer que les décisions prises soient effectivement mises en œuvre.

Les entreprises et les banques sont également des acteurs de l’aide économique. Certes, elles ne font pas de dons et agissent en fonction de leurs objectifs de recherche du profit. Cependant, elles sont des instruments indispensables de la coopération au développement, car ce sont elles qui détiennent les technologies, le savoir-faire et l’habitude de la gestion ainsi que les moyens financiers capables de répondre aux besoins du développement. Les organisations internationales facilitent le dialogue entre entreprises et banques, d’une part, et pays en développement, d’autre part. La Banque mondiale et nombre de pays ont mis en place des systèmes de garantie des investissements. Dans les années 1970, alors que l’État était producteur par l’intermédiaire des entreprises publiques, le débat portait aussi sur l’acquisition d’équipements productifs: achats d’équipements, voire d’usines clés en main, produit en main, ou même marché en main. Aujourd’hui il est admis que les entreprises étrangères doivent trouver un environnement favorable, c’est-à-dire, des institutions et des règles stables, des lois strictement appliquées sans arbitraire, des conditions macro-économiques saines. Elles demandent aussi à pouvoir transférer librement leurs bénéfices et importer les équipements ou les intrants dont elles ont besoin. Par ailleurs, elles réclament souvent une certaine protection de leurs produits sur le marché intérieur, ce qui n’est pas propice au bon fonctionnement du marché. De leur côté, les pays hôtes souhaitent qu’elles apportent croissance, emploi, recettes d’exportation et surtout savoir-faire technologique. Les modalités du transfert des technologies ont fait l’objet de nombreux débats, mais la tentative de faire accepter un code de conduite sur le transfert de technologie a échoué en 1986, après plus de dix ans de négociations. La négociation a buté, certes, sur le choix des tribunaux compétents pour arbitrer les éventuels conflits, mais aussi parce que au tournant des années 1980, le point de vue américain a changé: après avoir vu dans la concurrence un stimulant de la recherche technologique, ce sont les bénéfices tirés de cette recherche qui ont été jugés les plus stimulants. Les transferts, souhaitables dans le premier cas, ne le sont plus dans le second. Un autre débat, lui non plus jamais conclu, s’est longtemps poursuivi sur les technologies les plus propices au développement. En fait, les bons choix technologiques et l’organisation de la production sont fonction des priorités relatives données aux objectifs de production, aux marchés visés, à l’emploi, aux coûts relatifs du capital et du travail. haut de la page

Évolution de l’aide économique haut de la page

Les statistiques du Comité d’aide au développement offrent une information très détaillée sur l’aide des pays membres; elles sont moins fouillées pour les autres donneurs que sont l’O.P.E.P. et les pays de l’Est, du temps où ceux-ci fournissaient une aide significative. C’est pourquoi on limitera l’analyse de l’évolution de l’aide par poste aux seuls pays du C.A.D., mais il convient auparavant de présenter les apports de chacun (tabl. 2) et la liste des grands bénéficiaires. De 1970 à 1990, l’aide publique des pays du C.A.D. a oscillé modérément autour de 0,35 p. 100 de leur produit national brut, pour décliner ensuite jusqu’à 0,27 p. 100 en 1995. Cette relative stabilité contraste avec l’évolution des apports de l’O.P.E.P. – déjà élevés en 1970, ils ont atteint leur maximum en 1976 (près de 6 p. 100 du P.N.B.) et diminué ensuite pour se stabiliser vers 1,5 p. 100 du P.N.B. –, et avec l’aide des pays de l’ex-bloc de l’Est qui a fortement progressé pour l’U.R.S.S. de 1970 à 1987 et stagné pour les autres pays est-européens après 1982. Après 1990, les flux en provenance des pays de l’Est européen et de l’O.P.E.P. se sont pratiquement taris, tandis qu’apparaissaient de nouveaux contributeurs autrefois bénéficiaires d’aide comme la Corée du Sud et Taiwan..

On a relevé à plusieurs reprises l’importance, pour les pays en développement, des apports financiers consentis aux conditions du marché, apports qui ont augmenté rapidement à partir de 1975 alors que l’aide publique restait sensiblement stationnaire par rapport au P.N.B. des pays donneurs. Les investissements directs, qui s’étaient réduits après 1970 et effondrés en 1974 lors du premier choc pétrolier du fait des craintes des investisseurs, ont vigoureusement repris en 1975, puis ont à nouveau fléchi brusquement après le deuxième choc pétrolier. Les prêts du secteur bancaire se sont accrus fortement dès 1972; ils se sont tassés en 1975, puis ont repris jusqu’en 1979, date à partir de laquelle ils ont progressé plus lentement, puis se sont effondrés après 1982 et ont même été négatifs certaines années. Les crédits à l’exportation, qui avaient fléchi de 1970 à 1973, ont repris en 1975. À partir de 1982, cependant, les incertitudes sur la solvabilité d’un certain nombre de pays freinent les opérations de crédit, et le poids de l’aide publique dans les recettes des pays en développement remonte. Cette tendance s’est inversée à nouveau à partir de 1989 et, depuis 1992, les apports privés sont supérieurs aux apports publics. Les chiffres du tableau 1 montrent l’évolution des flux publics et privés dont ont bénéficié les pays en développement. Ils soulignent la volatilité des crédits commerciaux et des flux privés, notamment celle des investissement de portefeuille. On rappellera aussi que les flux privés se concentrent sur un nombre limité, bien que croissant, de pays.

Si l’on s’attache à la répartition par destinaire de l’ensemble de ces apports, on constate fort heureusement que ce sont les pays à faibles ou moyens revenus qui bénéficient de la plus grande part des dons, et que les flux financiers et les investissements directs se dirigent principalement vers les pays à moyens revenus ou les nouveaux pays industrialisés.

Cette répartition est à première vue globalement satisfaisante, mais, en fait, à l’intérieur d’une même catégorie, l’aide est inégalement répartie et on retrouve là la trace des objectifs politiques et stratégiques qui la déterminent pour partie. On constatera dans le tableau 3 les marques des rapports Est-Ouest, les attaches coloniales, mais aussi les décisions politiques ou le souci de privilégier les plus pauvres. Le rapprochement de l’aide reçue par tête et du P.N.B. par tête illustre bien que beaucoup devrait encore être fait pour que la répartition de l’aide soit inversement proportionnelle à la richesse.

La coopération technique voit son poids diminuer. Ce résultat est le fruit de deux mouvements opposés: l’augmentation du nombre des boursiers et la diminution des effectifs de l’assistance technique. Celle-ci est particulièrement marquée pour les principaux pourvoyeurs d’assistants techniques, la France et le Royaume-Uni, dont les effectifs entre 1970 et 1987 ont diminué de plus de moitié. Cette évolution indique que les pays prennent en charge la gestion de leur développement et que les techniciens nationaux remplacent progressivement les experts étrangers.

La répartition de l’aide par secteur (tabl. 4) montre que celle-ci s’est adaptée aux besoins. L’aide à l’éducation reste stable et a contribué à deux succès significatifs: malgré l’augmentation du nombre des enfants dans la tranche d’âge des 6-11 ans, le nombre de ceux qui ne sont pas scolarisés diminue et le pourcentage des illettrés dans la population adulte a chuté dans un grand nombre de pays. Cependant, beaucoup reste à faire: 130 millions d’enfants ne vont pas à l’école; l’écart entre la scolarisation des garçons et celle des filles reste important; enfin, la qualité de l’éducation laisse souvent à désirer faute d’une reconnaissance morale et matérielle du statut d’enseignant. Cela justifie de donner la priorité à l’aide à l’éducation primaire. L’aide à la santé, comme l’aide à l’éducation, est relativement stable et, là encore, des progrès significatifs ont été enregistrés dans la lutte contre les grandes endémies grâce à des campagnes de vaccination stimulées par l’U.N.I.C.E.F. et l’O.M.S.. Mais les menaces demeurent avec la résistance des nouvelles formes de paludisme aux médicaments, la reprise de la lèpre et, bien sûr, le sida et le virus Ebola. Le grand objectif de la santé pour tous commande que la priorité soit donnée à l’action préventive et aux soins de santé primaire. L’aide souvent attirée par les investissements spectaculaires (C.H.U., hôpitaux) s’oriente dans ce sens.

Le déclin de l’aide à l’agriculture témoigne des succès qu’elle a contribué à remporter, non seulement en finançant des systèmes d’irrigation là où cela était possible, mais aussi par de multiples actions d’animation rurale et, surtout, par la recherche et la dissémination des nouvelles semences. La recherche a depuis longtemps permis d’accroître très fortement les rendements des cultures d’exportation et de les acclimater dans de nouveaux pays. Les recherches sur le blé ont abouti à la mise au point de variétés résistantes à haut rendement qui ont fait passer l’Inde de la dépendance alimentaire à une relative autonomie. Des progrès doivent encore être accomplis pour les plantes alimentaires tropicales ou sahéliennes, avec un accent mis sur les cultures sèches qui, malgré les progrès de l’irrigation, représentent encore 80 p. 100 des terres cultivables. Préalable à l’introduction de ces facteurs de progrès, la formation des populations concernées est l’opération la plus délicate, celle où l’aide a connu ses plus graves échecs. Celle-ci a en effet négligé trop souvent les facteurs sociologiques et la rationalité économique du paysan. Les traditions qui régissent la répartition du travail entre hommes et femmes ou qui garantissent la sécurité alimentaire par une certaine alternance ou un mélange des cultures ne peuvent être balayées pour reproduire telle quelle l’organisation des cultures de l’Europe ou des États-Unis. D’un autre côté, rien ne forcera un paysan à acheter des engrais, à mécaniser son exploitation, à effectuer des travaux d’irrigation ou à soigner de nouvelles variétés, s’il n’en tire pas finalement un avantage appréciable. Les prix jouent ici un rôle décisif. Bien souvent, les gouvernements, soucieux de préserver le pouvoir d’achat des habitants des villes tout en évitant les hausses de salaire qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, maintiennent des prix bas à la production et s’approvisionnent sur le marché mondial.

Depuis 1994, l’accord de Marrakech, qui concluait un long cycle de négociations au G.A.T.T. (Uruguay Round) et voyait la naissance de l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.), prévoit une réduction progressive des subventions aux exportations agricoles dont on attend qu’elle provoque une hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés mondiaux. L’aide alimentaire a fait l’objet de controverses passionnées dans la mesure où elle est apparue comme une facilité n’incitant pas les pays à développer suffisamment leur production agricole. Le fait est que les États-Unis et la C.E.E. disposent d’excédents agricoles leur faisant trouver dans l’aide alimentaire un moyen de se débarrasser de stocks coûteux. Personne ne conteste cependant la nécessité de l’aide alimentaire d’urgence en cas de famine; pour éviter que les drames de 1973-1974 ne se reproduisent, une réserve alimentaire internationale d’urgence de 500 000 tonnes a été mise en place dès 1976. Mais, au-delà des périodes de crise, des insuffisances alimentaires chroniques existent dans un certain nombre de pays qui n’ont pas les moyens de se fournir sur les marchés mondiaux. Ils ont donc régulièrement recours à l’aide alimentaire. Ces stocks pour mesures d’urgence, ajoutés aux mécanismes d’aide financière aux importations alimentaires du F.M.I., sont de nature à mieux garantir la sécurité alimentaire. Mais il est clair aujourd’hui que celle-ci repose d’abord sur un accroissement de la production et sur l’amélioration du stockage des récoltes.

La Conférence de Rio de Janeiro sur le développement durable a fait entrer l’environnement dans les objectifs des donneurs d’aide. Le concept de développement durable a été façonné pour montrer que développement et protection de l’environnement non seulement n’étaient pas incompatibles mais, à terme, ne pouvaient qu’aller de pair. Cette approche est maintenant partagée par tous, mais elle n’a encore trouvé que peu d’applications concrètes. Programmes et projets demeurent sectoriels, qu’il s’agisse d’agriculture, d’infrastructure de transport ou même d’environnement. S’assurer de l’impact des projets sur l’environnement est nécessaire mais il faudrait intégrer l’environnement dans les coûts et les prix pour que la recherche de la rentabilité entraîne en même temps le choix de techniques et d’organisation favorables à l’environnement.

Peu après la chute du Mur de Berlin, il est apparu que le passage d’un système de planification centralisée à un système de marché nécessitait un effort d’ajustement et de restructuration considérable et que des apports en capitaux et uneassistance technique seraient nécessaires. Une institution a été créée, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (B.E.R.D.), et un mécanisme de coordination des aides bilatérales, le Groupe des 24, mis en place. La Banque mondiale, le F.M.I. et les agences des Nations unies ont étendu leurs activités de financement et de conseil aux pays en transition. L’idée qu’une thérapie de choc permettrait un passage rapide d’un système de gestion de l’économie à un autre s’est révélée fausse en ce sens que créer tout un nouvel ensemble d’institutions prend du temps et qu’il faut plus de temps encore pour que celles-ci fonctionnent efficacement. La proposition d’un "plan Marshall" n’a pas pris corps; au contraire, les prêts du F.M.I., extrêmement utiles pour rétablir les équilibres macro-économiques, ont toujours été conditionnés par l’adoption de politiques rigoureuses négociées avec le Fonds. Après six ans, les progrès sont inégaux, mais la libéralisation des prix et des échanges, la liberté d’entreprendre sont globalement assurées. L’inflation est ramenée à des niveaux gérables, les monnaies sont stabilisées. Cependant, les restructurations de l’appareil productif sont encore loin d’être achevées et les institutions financières, dont les banques, encore trop peu développées pour répondre de façon saine aux besoins des investisseurs. Les pays en développement ont craint, en 1990-1991, que l’aide à la transition se fasse à leur détriment. Arithmétiquement cela peut sembler être le cas puisque l’aide à la transition s’est fixée à environ 0,04 p. 100 du P.N.B. des pays du C.A.D., tandis que l’aide au développement chutait à 0,06 p. 100 du P.N.B. entre 1990 et 1995.

Le plan Marshall a été l’exemple de l’aide réussie qui a permis à l’Europe des alliés et des vaincus de se redresser en quelques années après la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi il a été proposé à diverses époques un plan Marshall pour l’Afrique, pour l’Amérique latine, plus récemment pour les pays en transition. C’était oublier deux éléments qui ont fait le succès du plan de 1947. Une aide massive tout d’abord: plus de 2 p. 100 du P.N.B. des États-Unis, alors que l’aide du C.A.D. n’a jamais atteint l’objectif de 0,7 p. 100 du P.N.B. adopté lors de la deuxième session de la C.N.U.C.E.D. et s’en éloigne même. La gestion concertée de cette aide entre les pays bénéficiaires et les États-Unis, en second lieu: à l’exception des Conventions de Lomé qui prévoient une certaine concertation entre pays de l’Union européenne et pays A.C.P., et des Nations unies, dont l’aide s’inscrit dans des programmes discutés avec chaque pays, l’aide est en général octroyée et les donneurs suggèrent tout autant les demandes qu’ils y répondent. À la différence de l’Europe d’après guerre qui ne manquait pas de cadres qualifiés et dont les institutions fonctionnaient, les pays en développement disposaient de peu de cadres et n’avaient pas d’institutions adaptées; quant aux pays en transition, s’ils disposaient de cadres, ceux-ci n’avaient aucune connaissance des mécanismes et de la pratique d’une économie de marché et les institutions étaient à mettre en place.

L’aide au développement ne pouvait donc avoir le succès du plan Marshall. Elle a connu réussites et échecs dont les responsabilités sont tout autant internes qu’externes. Son objectif, créer les conditions propres au développement de chaque pays est plus important aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été, du fait des interdépendances croissantes des économies dans une perspective de mondialisation, du fait aussi que les solutions à nombre de problèmes d’environnement et de santé ne peuvent qu’être mondiales. Ses modalités ont évolué et l’on ne peut que se réjouir des progrès accomplis grâce à une meilleure connaissance des mécanismes du développement. Les apports financiers demeurent nécessaires mais, selon les cas, ils peuvent relever de l’aide publique, surtout pour les plus défavorisés, ou de l’activité normale des entreprises et des banques. Tout aussi importantes sont les actions qui permettent à toutes les capacités de se mobiliser: éducation, institutions, décentralisation, démocratie, solidarité nationale. Le bon équilibre entre mise en place d’infrastructures, d’équipements et d’institutions dépend de chaque pays, et c’est pourquoi l’aide, pour être efficace, devra donner plus de place au dialogue entre États donneurs et États receveurs, entre O.N.G. extérieures et nationales, entre entreprises étrangères et nationales. haut de la page

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