ACTION DE RECHERCHE SUR LES EAUX CONTINENTALES DE GUINEE

TITRE: MARE NOUNKOUN EN HAUTE GUINEE.

Résultats d’enquête sur la faune ichtyologique, la pêche et les perspectives d’aménagement.

RAPPORT TECHNIQUE DE LA PREMIERE MISSION

Dans la CRD de Nounkounkan / Préfecture de Siguiri

(du 6 au 14 mai 2003)

Introduction  Historique  Cérémonies  Annonce du Barbotage  Engins de Pêche utilsés  Faune Ichyologique de la mare Noukoum Noukoum et son environnement Nouvelles dispostions pour sauver Noukoum  Conclusion

 

INTRODUCTION  

Il existe en Guinée un nombre important de retenues d’eau communément appelées mares qui sont plus ou moins peuplées de poissons. Parmi elles, les plus grandes et poissonneuses sont pêchées collectivement une fois par an en période d’étiage par les populations locales.

La mare de Nounkoun à Nounkounkan dans la préfecture de Siguiri, est un site potentiellement représentatif  couvrant approximativement 15 hectares et n’a pour le moment subit aucune recherche ichtyologique appropriée.

C’est dans cet ordre d’idée qu’une proposition d’études biologiques de sa faune ichtyologique aurait contribué à connaître mieux  les espèces de poissons qui y vivent, puis trouver les voies et moyens de son aménagement piscicole pour augmenter la productivité halieutique.

Ces études devraient permettre d’obtenir des informations sur les points suivants :

cliquer pour agrandirPrésentation de la mare de Noukoum

HISTORIQUE

L’histoire africaine nous rappelle de l’effondrement au 13ème siècle de l’empire Sosso du puissant roi  Soumaoro KANTE de la caste des forgeons par suite de la victoire du chef de guerre du Mandénka4  Magan Soundiata KEITA, devenu alors roi de l’empire du Mandé.

Certes, pour avoir réussi à cette guerre et conservé le pouvoir, Soundiata KEITA avait à ses côtés plusieurs chefs de guerre tels que Fakoli KOUROUMA (l’ancêtre des DOUMBOUYA), Mankandian MAGASSOUBA (l’ancêtre des MAGASSOUBA de Kolonkalan) et bien d’autres … 

C’est ainsi que Soundiata va s’installer à Niani capitale du Mandén5 libre. Il va tout de suite convoquer la charte de Kouroukanfoua6 où tous les chefs de tribus ont adopté la nouvelle constitution de l’empire.

La guerre terminée, Mankandian va entreprendre un voyage intrépide vers le sud du Mandén où il s’installa à Norakoro (P. de Siguiri). Avec l’ambition d’occuper les terres pour ses aïeux, il mènera la guerre à tous les chefs Bambaras qui étaient déjà dans la région. La victoire obtenue Mankandian bâtira la nouvelle région Kolonkalan au 13ème siècle.

Vers le 15ème siècle, Kouyafing Kossayan MAGASSOUBA, un des petits fils de Mankandian fonda le village de Gbènkorokoura du côté gauche du fleuve Niger. Ce village situé à 200 mètres à l’Ouest de la mare Nounkoun finira par adopter plus tard une nouvelle appellation Nounkounkan (c’est à dire au bord de la mare Nounkoun).

Si Gbènkorokoura devient Nounkounkan, c’est tout simplement parce que la mare devenait progressivement un grand site rituel où tous les villages d’alors fondés à  Kolonkalan continuaient jusqu’à maintenant à se rencontrer une fois par an pour  non seulement pêcher, mais gérer d’autres problèmes coutumiers (condoléances, mariages, retrouvailles etc…) de la vie des habitants de la région.

Contrairement aux cérémonies traditionnelles de la pêche de certaines  mares en Haute Guinée (mare de Baro dans la préfecture de Kouroussa), il n’existe aucun mite de génie ou de sacrifice autour de la mare de Nounkoun. Elle permet chaque année de regrouper tous les fils du terroir et des personnes désireuses d’assister aux cérémonies de sa pêche afin de vivre et faire connaissance de la culture de leurs ancêtres.

Nounkoun est une mare naturelle qui se pêche collectivement un dimanche, une fois par an et en période d’étiage c’est à dire à la fin de  la saison sèche.

La date, décidée par le Doyen (Sotikèmö) de Nounkounkan assisté d’un représentant de la famille DOUMBOUYA, de son conseiller et d’autres notables du village, est annoncée un mois à l’avance pour permettre à tous et à chacun d’être en possession de la nouvelle et de s’y apprêter. Tous ceux désireux de pêcher se préparent conséquemment avec des engins de pêche appropriés pour assister à cette grandiose fête.

La mare de Nounkoun appartient aux DOUMBOUYA, résidant exclusivement à Nounkounkan.

 

CEREMONIES

Les cérémonies de danse sont obligatoirement traditionnelles. Elles sont entre autres :

* Dounoumba : Danse des hommes forts. Il est né dans le Hamana dans la Préfecture de Kouroussa. Les Bratigui (ou possédants de la place publique) forment un groupe de jeunes hommes par clan d’âge (de 20 à 25 ans) qui organisent cette danse. Elle reflète une démonstration de force ou de courage. Cette danse devenue très célèbre se pratique aujourd’hui partout en Guinée.

* Dénabô : C’est la danse menée par les jeunes filles. Cette danse dans l’histoire de la culture mandingue est restée également très célèbre.

* Moïko : Chaque année une jeune fille ayant atteint l’âge du mariage doit danser le moïko. C’est la dernière danse de la jeune fille, elle doit alors donner ses adieux à la mare, donc s’habille le plus joliment que possible, se met en transe armée d’un sabre devant le tam-tam pour faire une fois le tour de la mare. Le moïko est la danse endémique de Kolonkalan, elle ne se trouve nulle part ailleurs.

A celles là s’ajoutent les danses Waraba (danse de l’animal redouté), kondénfôli danse de masque), Kassafôli (danse de la fin des cultures), Mamaya (danse de rejouissance), fèfö (danse de la calebasse), Donso fôli (danse des chasseurs), Koma fôli (danse des féticheurs), etc…

Le samedi 10 mai 2003, ces danses traditionnelles se sont déroulées en présence de nombreux invités venus de plusieurs Préfectures de la Guinée et d’ailleurs estimés environ à 15 000 personnes.

cliquer pour agrandir Cérémonie de danse traditionnelle

 

ANNONCE DU BARBOTAGE

Selon la tradition, la mare Nounkoun appartient à la famille des DOUMBOUYA installée à Nounkounkan. Elle est propriétaire de la mare et est chargée d’annoncer l’autorisation du barbotage par un de ses fils délégué pour la circonstance.

Ainsi, le dimanche 11 mai 2003, à 10 heures 30 minutes, Fran DOUMBOUYA, s’est rendu à la mare en compagnie des délégations venues.

Il est 10 heures 52 minutes, Fran pour s’exécuter du devoir coutumier légué par ses ancêtres, quitte la berge où il était assimilé à la foule, descend seul dans la mare à 6 mètres environ, boit trois gorgées d’eau de la mare avec la main droite, puis humblement rejoint la foule inquiète et soucieuse, les bras tendus, soulève très lentement ces deux mains à la hauteur de ses épaules et enfin annonce en criant au souffle désiré « que Dieu vous exhausse une bonne pêche ».

Une scène jamais imaginée se passe dès l’instant. Et voilà que presque 2000 personnes se précipitent à la foi chacune armée d’un engin de pêche de son choix. Le barbotage commence et dure 2 heures. On rencontre par ci par là des poissons pêchés (toutes espèces confondues et de tailles différentes). A la fin du barbotage, on remarque une nappe d’eau boueuse qui couvre  la mare. Malgré tout, certaines espèces de poissons échapperont au spectacle de  l’incendie.

 On donne au revoir à Nounkoun pour l’année prochaine.

cliquer pou aggandir Barbotage proprement dit

ENGINS DE PÊCHE UTILISES

Les engins de pêche sont très nombreux mais peu diversifiés, ils sont catégorisés et généralement utilisés par les hommes et les femmes.

 Engins de pêche utilisés par les hommes :

Engins de pêche utilisés par les femmes

Exemple d'engins de pêche

 

FAUNE ICHTYOLOGIQUE DE LA MARE NOUNKOUN

Les poissons échantillonnés ont été collectionnés au moment du barbotage.

Ils ont été conservés  dans le formol dosé à 10% de concentration, puis identifiés à l’espèce au laboratoire d’ichtyologie du CNSHB et se répartissent selon le tableau suivant :

Tableau : 1  Inventaire de la faune ichtyologique de Nounkoun pendant la pêche du dimanche 11 mai 2003.

N0 FAMILLE ESPECES

Nom vernaculaire (Malinké)

1 CICHLIDAE Oreochromis niloticus Tèbèn
2 CHARACIDAE Brycinus nurse Sara
3 MORMYRIDAE Marcusenius senegalensis Nana
4 POLYPTERIDAE Polypterus senegalus Krakassa
5 OSTEOGLOSSIDAE Heterotis niloticus Fandan
6 DISTICHODONTIDAE Distichodus rostratus Nyalén djè
7 CYPRINIDAE Labeo coubie Tondo
8 MOCHOKIDAE Synodontis eupterus Krikrikossi
9 CHANNIDAE Parachanna obscura Soukoudén
10 CLARIIDAE Clarias anguillaris Manô
11 BAGRIDAE Auchenoglanis occidentalis Kosso Kônkôn
12 SCHILBEIDAE Schilbe intermedius Mènèn

 

Selon ce tableau, on note que la faune de la mare Nounkoun est riche et diversifiée. Une collection de 12 espèces (31 individus)  vient enrichir désormais la collection de référence du CNSHB. Les espèces dominantes étaient représentées par : Clarias anguillaris, Heterotis niloticus et Oreochromis niloticus.

La connaissance de la faune ichtyologique de la mare de Nounkoun reste parcellaire, car il nous a été signalé de l’existence d’autres espèces de poissons qui feront l’objet de recherches ultérieures.

 

Un exemple d'espèces de poisson 

        

NOUNKOUN ET SON ENVIRONNEMENT

La mare de Nounkoun est un grand étang naturel qui a la forme d’une paramécie, avec une longueur de 1250 mètres, sa largeur est variable de 40 à 200 m (par endroit), sa superficie peut atteindre environ 15 hectares.

 Située à l’Est du village Nounkounkan sur une distance de 200 mètres, et à 800 mètres du fleuve Niger, la mare Nounkoun s’associe à la grande plaine inondable du fleuve Niger et se classe comme l’une des plus grandes en Guinée.

Elle demeure cependant plus ou moins menacée pendant la saison sèche à cause du manque de pluies. La conséquence directe sur son régime hydrologique se marque par l’assèchement temporaire des cours d’eau de la localité. Ce phénomène affecte considérablement son écosystème et se trouve confronté à des contraintes écologiques de disparition.

Du point de vue végétation,  la mare apparaît très pauvre au moment du barbotage. On remarque que son espace aquatique est totalement non couvert de plantes (absence totale des associations végétales aquatiques dominées généralement par les graminées, les nymphéacées et des cypéracées). Les hautes herbes qui y bordent ont déjà servi de nourriture au bétail, les arbres sont inexistants ce qui fait que la nappe d’eau de la mare est exposée à un ardent soleil favorisant  l’évaporation intensive de la retenue.

 

NOUVELLES DISPOSITIONS POUR SAUVER NOUNKOUN

La mare considérée comme le palladium de la localité est un bien collectif où tout le monde peut venir y pêcher à la date choisie.

Le maintient du régime hydrologique et de la faune ichtyologique de Nounkoun est subordonné à la mise en pratique de certaines dispositions, notamment :

 La mare étant traditionnellement privée, ne peut être soumise à aucune autre forme d’intervention si non que celle permettant d’augmenter sa productivité halieutique.

 Les dispositions de sauvegarde de ce patrimoine sont envisageables.

 Les paisibles populations de Nounkounkan unanimement sont aujourd’hui engagées dans la  lutte contre sa disparition. C’est pourquoi, les options d’élaboration de projets d’aménagement  de la mare Nounkoun seraient aujourd’hui à l’avantage des populations de la CRD de Nounkounkan pour non  seulement le maintien de l’équilibre socio-culturel mais également l’éradication du manque de protéine que connaît la localité.

 

CONCLUSION

La pêche de la mare Nounkoun chaque année prend de l’ampleur. Grâce à elle, annuellement se rassemblent près de 15 000 personnes pour se réjouir et assister à sa pêche collective.

Nounkounkan  devient de plus en plus le berceau réel de la culture de la Haute Guinée permettant à ses paisibles habitants et  ressortissants de multiplier non seulement leurs contacts avec le monde, mais également de penser et contribuer chaque année à son développement.

Mais il convient de noter, que la mare est actuellement soumise à des contraintes que sont l’ensablement, la diminution des ressources en poissons disponibles pour les populations de la localité et la disparition de plusieurs espèces selon les informations reçues au cours de nos enquêtes. Pour arriver une des solutions citées plus haut aux problèmes de sauvegarde de la mare, une deuxième mission consacrée spécialement à l’inventaire des poissons à l’aide des filets maillants, confirmera les résultats déjà obtenus au cours de la première mission. 

Note:

  1. Nounkounkan : Village de la Haute Guinée, dans la préfecture de Siguiri, situé à 621 km de  Conakry.

  2.  Siguiri : Ville de la Haute Guinée en Guinée.

  3.  Nounkoun : Nom attribué à la mare située à l’Est de Nounkounkan  

  4.  Mandéka : Natif de l’empire mandingue 

  5.  Mandén : Empire du Mandingue  

  6.  Kouroukanfoua : Lieu de rencontre des chefs de guerre et de tribu.

Information de services

MOTS-CLES:    Pêche artisanale Poisson      Mare   Noukoumkan   Cérémonie

Enquêteur: Mambi Magassouba /Auteur page: Souleymane Diakite/Webmaster

Créé le 14/08/2003